A Mireille Besançon, professeur de Mathématiques,
pour son départ en retraite
Mimi
Pour toi, ma chère Mimi,
J’ai repris le stylo.
Il s’était endormi.
J’ai même dû le secouer
Pour que son encre séchée
Se remette à couler.
Ton jour de gloire, Mimi
Est enfin arrivé !
Dis-moi, c’est vrai papy,
T’as vu les dinosaures ?
C’est exact mon petit
Il y a fort longtemps.
J’en suis même un fossile !
Gégésaurus gracile,
Une espèce très ancienne,
Antécarrolaggienne.
Tu vois ces bâtiments,
Ils n’étaient pas encore !
Et je connais ici
Un autre spécimen.
Mimisaurus minuscula
Un dinosaure femelle
Dont le Collège devra
Bientôt se séparer.
Nous l’appelons Mimi.
Une vraie curiosité !
Un mètre cinquante de haut
Moins de 60 kilos.
Dans le genre, un modèle
De l’époque Lapérienne,
D’avant Didier 1er
Et de Tatie Danièle !
Ses toutes premières empreintes
Dans l’monde éducatif
Datent de 77.
Elle était étudiante.
La belle dinosaurette
Voulait gagner des sous
Pour passer ses certifs
Et continuer, sans crainte,
D’casser ses tas d’cailloux.
Comme le pauv’ cantonnier.
Sur la route de Vouziers,
Mimi s’ra surveillante
Pourquoi des tas d’cailloux ?
Parce que « she had a dream ! »
Mais un rêve un peu fou,
Être chercheur géologue.
Hélas, c’est une filière de mecs !
Des australopithèques
Machos, des pousse-au-crime
Qui obligeront Mimi
A récrire l’épilogue.
Alors, quand l’opportunité
Vient à se présenter,
Mimi franchit le pas
Et prend une autre route.
Elle engraissera le mammouth
Qu’un éléphantidé
Géologue polémiste,
Tentera de dégraisser
Quand il sera ministre.
Mimi devient MA.
Elle n’est pas préparée
A l’enseignement des maths
Car Mimi, c’est les pierres,
Les argiles, les feldspaths.
C’est les sciences de la Terre,
L’histoire de la Pangée.
Pas facile de s’gaver
Chaque jour de théorèmes
Quand, à la base, on aime
Uniquement le café !
Après tout, pourquoi pas !
Thalès et Pythagore
Elle s’en souvient encore
Puis s’appeler Besançon
N’est-ce pas déjà en soi
Identité remarquable ?
Sa taille, phénoménale,
Ne vaut-elle pas leçon
Aux yeux des apprenants
Et de son inspecteur ?
Leur plus petit commun professeur.
Une jeune PPCP
Qui savait se montrer
Si un indélicat
Ne la respectait pas.
Pour preuve, une anecdote
Qu’un jour elle m’a contée.
Bon, je vous la rapporte
Mais à la sauce Gégé.
Mimi est dans la cour
D’un grand établissement.
On la hèle sans détour,
L’apostrophe brutalement !
« Po pop ! Toi la nouvelle,
Tu n’as rien à faire là !
Tu vas te ranger là-bas !
Et comment tu t’appelles ? »
De son mètre 52
Mimi toise l’insolent,
Le regarde de haut !
« Je m’appelle Besançon
Je suis la prof de maths ! »
L’arrogant, tout penaud
D’être pris pour une buse,
Se confond en excuses.
Il savait, depuis peu,
La vitesse de traitement
D’un microprocesseur,
Pas celle de réaction
D’un micro professeur !
Mimi débarque ici
Y’a presque trente années.
Elle avait bien grandi !
Pas en large ni en long
Mais plutôt en échelons.
Elle est PEGC.
En salle des professeurs,
Au milieu de la harde,
La jeune biche innocente
Est assez vite à l’aise
Et rapidement devient
Le 3.14 cent seize,
Le Pi et la meilleure,
Du cercle des bavardes.
L’indispensable constante
D’un fabuleux quartette.
A chacune des récrés
C’est le cyber-café,
Le chat land des souris
Dopées au chocolat !
C’est le très haut débit,
La connexion Wi-Fi
Bien avant Internet !
Bien sûr toute ressemblance
Avec des personnages
Qui auraient existé
Ne serait, de ma part,
Que pure coïncidence…
A trois, quatre exceptions
Tous ses élèves l’adorent.
Bien sûr,
Elle connut un Leturque
Bien sûr,
Elle eut quelques Valleron
Mais Mimi trouve le truc
Au pire, elle met dehors
Et les plus grands dadais
Rabaissent vite leur caquet
Elle est tout de suite à fond
Pour bosser en équipe,
Pour préparer des fiches
Avec Permasse, Raymond,
Joël, Dom et Gabi,
Sophie puis Florence Biche.
Elle est bien éduquée,
De bonne composition
Mais à la condition
Qu’on lui ne casse pas les pieds.
Travailler plus ? Normal
Si c’est bien demandé !
On peut la caresser…
Mais dans l’bon sens du poil !
Sinon, elle devient chatte
Dents et toutes griffes dehors.
Un simple coup de patte
Ou carrément, elle mord !
La Mimi franchira
Ici tous les échelons,
Deviendra certifiée
Et puis se forgera
Une belle réputation.
Bref, un prof confirmé
Elle comptera sans compter
Du temps de l’Amicale.
A l’ancienne, sans machine !
Un cahier à spirale,
Une gomme, un vieux fusain
Ou un bon portemine,
Je pose neuf, je retiens un
Et les comptes sont carrés.
Papier, gomme et crayon,
Les outils du concret,
Les vecteurs du palpable.
Ceux que Mimi préfère.
L’écran, c’est formidable
Mais il égare, vous perd
Dès lors la réflexion
N’est qu’un second volet.
Dans le triangle d’or
Qui portait l’Amicale,
Mimi était bien plus
Que la dame porte-monnaie.
C’était l’hypoténuse
Qui relie les sommets,
La chercheuse de trésors !
Du collier, du bracelet
Qu’on offrait aux partants,
Du livre ou du jouet
Qu’on donnait aux enfants
Quand le Papa Noël
Passait par La Villeneuve.
Heureux qui comme Mimi
A fait bien des voyages.
L’Angleterre, l’Allemagne
L’Italie et l’Espagne.
Nos beaux volcans aussi.
Pas besoin d’la prier
Pour qu’elle fasse ses bagages,
Mimi aime encadrer.
Mine de rien, La Villeneuve
Lentement fait peau neuve
Scellant ainsi le sort
De tous ses dinosaures.
C’est l’extinction des vieux,
L’avènement triomphant
D’Homo numéricus
Que tous les demi-vieux
S’emploieront mordicus,
A imiter, vainement.
Trois ans et demi bientôt
Que je suis au dépôt
Dans sept jours aujourd’hui
Ce sera toi Mimi.
Peut-être, par ici
Croiserez-vous son ombre !
Un fantôme « mimiesque »,
Privé de sa faconde,
Qui le temps d’un semestre,
Luttera contre l’oubli.
Vous irez au turbin
Bien au-delà de juin.
Mimi de bon matin
Cultivera son jardin
Un jardin à l’anglaise
Où les plantes prennent leur aise
Poussant de-ci de-là
Aussi libres que ses chats.
Ah, Mimi et ses chats !
Une passion sans retenue
Dryatement connue !
Chez elle, c’est SPA !
Un chat abandonné,
Un chat non désiré
Ou un chat éclopé,
Il est vite adopté.
Et c’est bien pire que ça !
Ses bibelots sont des chats,
Ses coussins sont des chats
Et sa danse préférée
Serait-ce le cha-cha-cha ?
J’ai vu dans ma lorgnette,
Mêlés à l’assemblée,
Quelques autres fossiles
Dont un Jojosaurus
Lui aussi, en son temps,
Roi de l’hypoténuse
Et quelques membres aussi
Du fabuleux quartette.
Si le temps a passé
Les langues apparemment
Ne sont pas fatiguées !
Vous avez dit Gabi ?
Et voilà ma Mimi,
Il est temps que je file !
Papy va t’préparer
Une place dans son musée.
Mais vu ton gabarit
Ce n’sera pas difficile.
Encore quelques secondes
Pour un brin de lyrisme
De la vraie poésie
Mimi, tu aimeras chat
Le chat ouvrit les yeux
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.
Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J’aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil
Maurice Carême
Très bonne retraite Mimi
Le 3 février 2017